HAUT POTENTIEL

 

On dit qu'un enfant est « intellectuellement précoce » (E.I.P.) lorsque l'on peut constater un écart entre d'une part, son rythme de développement intellectuel, supérieur à celui de son âge de naissance et d'autre part, les expresssions de son développement affectif, psychomoteur et relationnel correspondantes à celles de son âge réel ou parfois en retard par rapport à celui-ci.

Actuellement, on considère qu'un enfant est intellectuellement précoce lorsque l'évaluation de son Q.I., révèle une avance intellectuelle d'au moins 25% par rapport à son âge réel : ce qui correspond à un Q.I. de 125 évalué au moyen du WISC-III ou IV.

Des chercheurs ont mis en évidence, chez certains enfants, la différence de rythme de développement entre l'âge mental, en avance, et l'âge réel, affectif et relationnel.

Cette « dyssynchronie » rend ces enfants très différents des autres et oblige à des mesures d'éducation adaptées.

Contrairement aux idées reçues, de hautes aptitudes dans le domaine intellectuel n'impliquent ni la réussite scolaire, ni la sérénité personnelle, pas plus qu'elles relèvent de la pathologie ou ne la provoquent.

750.000 enfants issus de tous les milieux socioculturels considérés comme surdoués ou intellectuellement précoces, se retrouvent en décalage avec leur environnement social, familial et scolaire.

L'expérience montre que les trois quarts d'entre eux sont en difficultés scolaires légères, moyennes ou graves. Baisse de rendement (peut mieux faire), effondrement (redoublement), voire refus scolaire, dépression, somatisations ou difficultés comportementales, ces enfants posent un véritable défi à l'enseignement.

Les enseignants, victimes de représentations inexactes ou d'idées reçues à connotation souvent plus idéologique que pédagogique, ne savent les reconnaître ou comment agir avec eux ou renforcent leurs difficultés en croyant, de bonne foi, les atténuer.

Pour agir avec efficacité, pour atténuer les souffrances, il importe de comprendre les caractéristiques et les besoins de ces enfants qui ont besoin d'être reconnus dans leurs spécificités.

Il s'agit donc de mettre en place les moyens d'une synergie entre le plan affectif et le plan intellectuel, les deux nécessitant des apports importants et coordonnés. L'adulte doit être engagé de façon claire et sans faille dans toutes les dimensions de la démarche; engagement clair, compréhension fine et tolérante des besoins et des conséquences du décalage entre l'intellect et l'affectif sont les clés qui permettent à l'EIP d'accéder au plaisir d'apprendre également à l'école.

On retrouve chez ces enfants des caractéristiques communes révélatrices, pouvant être perçues par les parents :

▪ ils sont hypersensibles

▪ ils recherchent le dialogue avec les adultes

▪ ils posent beaucoup de questions sur des sujets très variés

▪ ils veulent tout connaître sur tout

▪ ils ont un grand sens de l'humour

▪ ils ont une grande faculté de compréhension

▪ ils savent lire ou compter et écrire très tôt

Des difficultés d'intégration, sociale et/ou scolaire, devront alerter parents et enseignants :

► enfants qui comprennent très vite et souhaitent passer rapidement à autre chose et qui, si ce n'est pas possible, deviennent rêveurs ou suivant leur tempérament, éléments perturbateurs.

► enfants qui se démotivent ou rejettent l'école.

► enfants dont on a l'impression qu'ils ne comprennent pas les consignes ou l'enseignant lorsque celui-ci s'adresse à eux.

► enfants qui disent s'ennuyer en classe avec baisse du rendement scolaire, chute des notes, décrochage.

► enfants qui refusent parfois la lecture ou l'écriture.

► enfants qui donnent l'impression, en milieu scolaire, de vivre dans une bulle ou d'être déconnectés de l'ensemble de la classe.

► enfants qui vivent enfermés dans leur chambre, qui sortent peu, qui n'ont pas ou ne rencontrent pas d'amis.

► enfants qui n'ont pas de camarade de classe ou qui se réfugient dans des lieux à l'écart, bibliothèques, centre de documentation, informatique, ou qui préfèrent des camarades plus âgés.

► enfants dont la « différence » est souvent mal perçue et qui peuvent être rejetés par les enfants de leur âge.

► enfants qui ont parfois ou souvent des maux de tête, rongent leurs affaires scolaires ou leurs ongles.

► enfants qui peuvent parfois déprimer, ont des gestes ou des propos morbides.

Ce sont des enfants, qui faute de prise en charge de leur différence par leurs parents, leurs enseignants et tous les adultes qui gravitent autour d'eux, se retrouvent pour les deux tiers des cas en échec scolaire ou social plus ou moins grave.

Face à ces comportements, souvent révélateurs de précocité, il conviendra de procéder à une évaluation auprès d'un psychologue spécialisé. On ne peut se contenter d'un résultat où n'apparaîtrait que le chiffre du QI global qui serait inefficace pour connaître les points sur lesquels ces enfants peuvent s'appuyer et ceux sur lesquels il sera nécessaire de les aider davantage. Le principal intérêt de ces tests est de mesurer cette « dyssynchronie » et, ainsi, permettre d'adopter une éducation appropriée.

Les enfants à quotient intellectuel élevé ont deux besoins fondamentaux :

♦ se sentir bien avec eux-mêmes et avec leur « différence » qui, dans le même temps, leur ouvre des opportunités, tout en leur créant des difficultés.

♦ développer leur surprenant potentiel.

 

LES GUIDER, DE QUELLE MANIERE ?

 

■ En leur signifiant très fréquemment avec clarté et de façon encourageante qu'on les estime capables de réaliser ce qui leur est demandé même si cette fréquence peut surprendre en la comparant à ce qui est couramment pratiqué auprès des autres enfants. On a vu combien ils étaient en difficulté devant la tâche à accomplir du fait d'une immense solitude intérieure.

■ En leur montrant leurs erreurs afin qu'ils puissent les corriger d'eux-mêmes et leur signifier ensuite qu'on les juge tout à fait aptes à s'engager sur la voie de la réussite.

■ Les rassurer quant à leurs capacités intellectuelles, même si les résultats en terme de notes ne sont pas au rendez-vous, en leur proposant d'aider un ou plusieurs de leurs camarades plus en difficulté qu'eux sur le registre de la compréhension. Cela sera profitable aux autres ainsi qu'à eux-mêmes qui devront, pour se faire comprendre, restituer avec clarté les étapes nécessaires pour parvenir à la maîtrise d'une notion (alors qu'ils ne savent pas toujours comment ils y sont parvenus), énoncer une démarche (ce qui ne leur est pas familier puisque leur tendance naturelle est d'aller directement au résultat) et enfin étant une sorte de référent, ils auront à coeur de faire des progrès pour eux-mêmes à titre d'exemple face à celui ou ceux qu'ils ont aidés.

■ A propos de l'écriture devant laquelle ils peuvent montrer un certain désinvestissement très dommageable, il serait bon d'envisager très régulièrement des contrôles sous forme de Q.C.M. complexes en y adjoignant, après quelques réussites, une et ensuite plusieurs questions nécessitant des réponses écrites relativement courtes, réduisant ainsi peu à peu la place de la forme Q.C.M. (ou des exercices dits « à trous »). Cette démarche a pour but de les rassurer sur l'état de leurs facultés intellectuelles dans la mesure où ils peuvent constater qu'ils sont capables d'obtenir eux aussi de bons résultats scolaires et de renouer avec le plaisir de restituer un travail dont ils peuvent être fiers et de les amener sans précipitation vers la réalisation de travaux véritablement écrits.

La qualité de l'écriture ne peut pas dans leur cas être évaluée et envisagée de la même manière que pour les autres enfants. Ainsi, pour des travaux réalisés à la maison, serait-il judicieux de leur proposer qu'une partie le soit au moyen de l'ordinateur et une autre par écrit, en ayant comme perspective de les conduire peu à peu vers une rédaction totalement écrite à la main. Cette différence de traitement peut s'évoquer dans la classe comme une différence chez certaines personnes dont la main ne peut pas aller aussi vite que la pensée.

■ On peut proposer, en vérification des connaissances en orthographe, en grammaire, etc. un travail à partir de textes complexes pré-écrits et à trous afin d'alléger leur difficulté à écrire. Puis progressivement, les conduire à utiliser l'écriture de façon naturelle.

■ Eviter autant que faire se peut les photocopies-supports de travail écrit sur lesquelles la place pour les réponses est, à l'évidence, inadaptée du fait de leur difficulté à maîtriser le geste et l'espace.

■ Consentir à leur proposer plus longtemps qu'aux autres un espace organisé afin de les aider à mieux canaliser leur écriture mais que ceci soit envisagé avec eux comme une aide et non comme une humiliation face à leurs camarades, tout en les assurant de la confiance de l'adulte quant à leurs capacités intellectuelles. On peut envisager d'utiliser du vocabulaire en relation avec leurs centres d'intérêt.

■ Il est judicieux d'envisager de les aider, plus longtemps que les autres, à apprendre à organiser leur espace (par exemple, le casier du bureau) et même en faisant avec eux puisqu'ils s'avèrent incapables de le faire seuls du fait de leur fonctionnement spécifique. Leur dire que leur casier est mal rangé n'est pas à l'évidence suffisant pour qu'ils se mettent à le ranger seuls. On peut s'appuyer sur l'humour mais non sur l'ironie pour entreprendre toutes ces conduites.

■ Vérifier en fin de journée que le travail à effectuer chez soi a été convenablement noté sur le cahier de texte, d'une part parce qu'ils peuvent avoir tendance à faire excessivement confiance à leur mémoire, et d'autre part parce qu'ils répugnent à les écrire, du fait de la lenteur de leur écriture, dans le temps qui est imparti à la classe. Leur proposer de commencer à les écrire un peu avant les autres dans la perspective de les faire parvenir à utiliser le même temps que les autres.

■ Lors de contrôles, leur signifier des encouragements par de petits gestes pour que, rassurés par la confiance de l'adulte, ils puissent donner le meilleur d'eux-mêmes. En effet, il ne faut jamais oublier qu'intérieurement ils se pensent seuls et en quelque sorte abandonnés par l'adulte qui, par sa présence chaleureuse, peut réapparaître pour les aider à avancer vers la réalisation, la concrétisation.

■ L'esprit d'un E.I.P.aime travailler sur des matériaux complexes et non sur des unités simples d'information. En effet, leur mode de fonctionnement est inverse de celui envisagé pour les autres enfants : ils excelleront en partant du niveau le plus complexe de la notion abordée pour s'attacher ensuite aux unités simples d'information.

■ Si une accélération s'avère utile, il ne faut cependant pas négliger le fait que bien qu'intellectuellement précoces, ils ne peuvent pas connaître « spontanément » les notions qu'ils n'ont pas apprises et ce comme tous les enfants. Mais si on arrive à les mettre en confiance, ils peuvent plus vite que les autres parvenir à les assimiler et montrer ce qu'ils savent faire. Un passage anticipé ou un glissement d'une classe à une autre en cours d'année peut très bien s'envisager à condition de prendre en compte les données spécifiques de leur développement dyssynchronique dans l'aide et l'accompagnement chaleureux à leur apporter pour qu'ils en soient des bénéficiaires heureux.

■ Accepter qu'ils puissent poser des questions autour d'une notion nouvellement acquise sans penser qu'ils désirent ainsi « tester » l'adulte. Au contraire, il ne s'agit pour eux que d'une façon peut-être maladroite de lui montrer leur plaisir d'avoir compris en souhaitant aller plus loin en lui faisant, pensent-ils, plaisir à leur tour. Même s'ils ont compris plus vite que d'autres, ils peuvent comme les autres, éprouver du plaisir à être interrogés pour avoir la satisfaction d'être félicités par l'adulte.

Guide élaboré à partir d'un document ANPEIP

Bibliographie :

– CATHELINE-ANTIPOFF N., POINSO F., Enfant surdoué et dysharmonie du développement. Archives Pédiatriques, 1994

– CHAUVIN Rémy, Les surdoués. Stock, 1975 et Marabout, 1979

– DUFOUR Véronique, Intelligence et adaptation; les enfants intellectuellement précoce en situation d'inadaptation. Thèse de doctorat en psychologie clinique, pathologique et psychanalytique, Université Paris V, 1996.

 

Nadège Villiermet

06.13.90.10.13

Neuropsychologue

Le bilan expliqué aux parents
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